La classe ouvrire corenne :
de la grve de masse
la prcarisation
et au reflux, 1987-2007
Loren Goldner
Rsum
Conformment au modle que
lĠon a pu observer en Espagne et au Portugal (1974-76), mais aussi au Brsil
(1978-83) partir du milieu des annes 70, la classe ouvrire sud-corenne a
dtruit, grce des grves de masse remarquables au cours des annes
1987-1990, les bases dĠune dictature militaire qui svissait depuis des
dcennies. Pendant une brve priode (1990-1994), les grves ont abouti la
cration de syndicats dmocratiques radicaux et donc des augmentations de
salaires leves et gnrales. Mais, comme dans les autres cas cits ci-dessus,
la classe ouvrire a t relgue au rle de blier facilitant un changement
politique Ç dmocratique È qui a rapidement chant lĠhymne de la
mondialisation et du nolibralisme en faveur de lĠconomie de march. En fait,
avant la vague de grves mais surtout aprs, le capital sud-coren investissait
dj lĠtranger et cherchait imposer une politique dĠaustrit nolibrale
lĠintrieur du pays. En 1997-98, la crise financire asiatique fora la Core
du Sud passer sous la tutelle du FMI, ce qui acclra considrablement la
prcarisation de la classe ouvrire corenne, prcarisation qui avait t la
principale riposte capitaliste aux avances de la fin des annes 80.
AujourdĠhui, au moins 60% de la main-dĠÏuvre vivent dans la prcarit la plus
brutale. Soumis aux licenciements instantans, les travailleurs prcaires
touchent des salaires et des avantages sociaux qui sont au moins infrieurs de
moiti au statut des 10% constitus par les travailleurs fixes. Les vestiges bureaucratiques des syndicats
dmocratiques radicaux du dbut des annes 90 ne sont plus aujourdĠhui que des
organisations corporatistes reprsentant cette lite de la classe ouvrire, et
autant de luttes ont clat entre les travailleurs fixes et les travailleurs prcariss quĠentre
lĠensemble des ouvriers et le capital lui-mme.
I - Le contexte historique
Ë partir de juin 1987 et de
manire significative jusquĠen 1990, la vague de grves que lĠon appelle en
coren Ç Nodongja Taettujaeng È, la Grande Lutte des Travailleurs,
reprsente un des principaux pisodes de la lutte de classe durant les annes
80, de mme que Solidarnosc en Pologne (1980-81), les conseils ouvriers (shura)
iraniens (1979-1981) et la vague brsilienne de grves de 1978-1983. La vague
de grves a branl les bases dĠune dictature qui avait rgn faon presque
interrompue aprs la fin de la guerre de Core. Ces grves ont permis que des
secteurs importants de la classe ouvrire corenne bnficient dĠaugmentations
de salaire significatives, et quĠapparaissent, durant une brve priode
(1990-1994), des syndicats dmocratiques radicaux qui formrent le Congrs
national des syndicats (ChoNoHyop), regroupement qui dfendait une politique
anticapitaliste, au moins verbalement.
Ds que cette vague de grves
eut triomph, ses gains commencrent tre srieusement attaqus. Le ChoNoHyop
fut dtruit par la rpression gouvernementale qui frappa ses meilleurs
militants. DĠautre part, le gouvernement A PERMIS AUX militants plus
conservateurs former la Confdration corenne des syndicats (Minju Nochong
ou KCTU) qui fut cre en 1995 ; en dcembre 1996, le gouvernement essaya
dĠimposer par la force une loi de prcarisation du travail laquelle la KCTU
sĠopposa contrecÏur durant la grve de janvier 1997. En automne 1997, la
crise financire asiatique obligea la Core du Sud passer sous la tutelle du
FMI en change dĠun renflouement de 57 milliards de dollars, et le FMI exigea
explicitement la prcarisation de la force de travail et des licenciements de
masse pour appliquer son programme de restructurations. En dcembre 1997, Kim
Dae Jong, dirigeant de lĠopposition dmocratique depuis des dcennies, fut lu
prsident de la Rpublique ; en fvrier 1998, il amena la KCTU signer un
Ç accord historique È et accepter des centaines de milliers de
licenciements et des plans sociaux avec rductions dĠeffectifs en accord avec
les demandes du FMI, le tout en change de la lgalisation dfinitive du
syndicat.
Pour la galerie, le gouvernement
de Kim Dae Jong cra galement en 1998 une Commission tripartite entre lĠEtat,
le Capital et le Travail, sur des positions corporatistes. Et cette institution
sans signification nĠa bien sr agi quĠau service de lĠEtat et du Capital.
Malgr ce sombre tableau et une
srie de reculs presque systmatiques, les capitalistes et lĠEtat ont d
combattre la classe ouvrire corenne, secteur aprs secteur, au cours de
longues grves aux rsultats amers, et les vnements rcents prouvent que la
combativit des travailleurs est loin dĠavoir t limine.
AujourdĠhui, vingt ans aprs la
Grande Lutte des Travailleurs de 1987, les proltaires corens subissent lĠun
des programmes de prcarisation les plus russis du monde capitaliste, en tout
cas certainement parmi les pays industriels avancs. Approximativement 10% de
la main-dĠÏuvre corenne sont organiss dans les syndicats de la KCTU, disposant
dĠun travail et dĠun salaire fixes, tandis que 60% sont prcariss,
externaliss et victimes de Ç plans sociaux È rptition. Ë la
Hyundai Motor Company, par exemple, lĠun des bastions du militantisme
industriel des annes 1987-90, travailleurs fixes et travailleurs prcaires
bossent cte cte, effectuant exactement les mmes tches, alors que les
seconds gagnent moiti moins que les premiers qui touchent entre 50 000 et 60
000 dollars par an, sans compter les primes et les heures supplmentaires. Les
travailleurs prcaires hassent gnralement la KCTU, car ils la considrent
comme le porte-parole corporatiste des salaris fixes les mieux pays. Les
travailleurs fixes ont mme agress physiquement des travailleurs prcaires
lorsque ces derniers ont lanc des grves sauvages (comme cela sĠest produit
lĠusine de la Kia Motor Company en aot 2007). Lors des lections
prsidentielles de dcembre 2007, un grand nombre dĠouvriers ont vot pour le
candidat de la droite dure, Lee Myoung Back, dirigeant du Hanaratang (Parti
dĠune seule nation), ex-PDG de Hyundai et maire de Soul, dans le vain espoir
dĠun retour lĠexpansion conomique des annes 70 et 80.
Cet article tente dĠexpliquer
comment la classe ouvrire corenne est passe dĠune lutte offensive et victorieuse
la prcarisation et aux reculs, en lĠespace de seulement deux dcennies.
II – La dmocratie sert
imposer lĠaustrit.
De la lutte de classe
dans un rgime autoritaire de
dveloppement
Il faut situer lĠexprience de
la classe ouvrire corenne dans le cycle plus large des transitions de la
dictature la dmocratie (bourgeoise), qui a commenc en Espagne et au
Portugal (1974-1976), et a continu dans des pays tels que la Pologne et le
Brsil. Nous pouvons galement noter que, aprs les Ç transitions È de la
Pninsule ibrique, les explosions suivantes ont eu lieu pendant une priode de
rgression et de reflux pour les classes ouvrires amricaine et
nord-europennes.
En effet, elles se sont
droules dans le contexte de la crise conomique mondiale survenue aprs la
fin du boom qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Dans la Pninsule ibrique,
en Pologne et au Brsil, comme en Core du Sud, lĠintervention de la classe
ouvrire dans la vie politique et sociale a t prcde par une priode
prolonge Ç de croissance conomique È intensive (de qualit
fortement variable) et la rpression violente de lĠactivit indpendante de la
classe ouvrire.
Ë chaque fois, les luttes des
travailleurs ont jou un rle central dans la bataille plus large de Ç
lĠopposition dmocratique È contre la dictature, et chaque fois,
Ç lĠopposition dmocratique È a pris le pouvoir et a mis en
application (toujours en collaboration troite avec le capital international)
des programmes trs stricts dĠaustrit qui ont fragment le mouvement ouvrier.
On pourrait en conclure que la Ç dmocratie sert imposer
lĠaustrit È – et telle est, en effet, ma conclusion.
Le cas coren, naturellement,
comporte beaucoup de particularits qui ne doivent pas tre dilus ou dissimules
par une comparaison gnrale.
La Core tait, en 1960,
considre comme un Ç cas sans espoir È sur le plan conomique, aussi
pauvre – en ce qui concerne la consommation par tte – que lĠInde
ou la Tanzanie. En 1996, elle fut accueillie en fanfare dans lĠOCDE comme une
Ç conomie avance È et tomba sous le contrle du FMI peine un an
plus tard.
Nanmoins, la Core, lĠun des
quatre Ç tigres È asiatiques aux cts de Tawan, Hong Kong et
Singapour, apparut entre 1960 et 1997 comme lĠune des rares russistes parmi
les centaines dĠchecs et de retours en arrire que connurent les pays du tiers
monde qui bnficiaient de lĠ Ç aide È occidentale et de la tutelle
de la Banque mondiale et du FMI.
QuĠest-ce qui a rendu donc la
Core si diffrente ?
Tout dĠabord son statut spcial
(comme les autres Ç tigres È dĠAsie) : avant-poste et vitrine
pour lĠimprialisme amricain, son succs conomique fournissait un contrepoids
important pour la propagande des Etats-Unis face aux (soi-disant) rgimes socialistes
voisins, savoir la Core du Nord, la Chine et lĠUnion sovitique. Des
dizaines de milliers de soldats amricains stationnaient dans le pays depuis la
fin de la guerre de Core et les Etats-Unis y ont tolr une politique tatiste
de dveloppement laquelle ils sĠopposaient habituellement dans le reste du
tiers monde, allant jusquĠ renverser les gouvernements qui voulaient appliquer
ce type de mesures.
En second lieu, la Core du Sud,
comme Taiwan, diffrait de presque tous les autres pays du tiers monde parce
que la rforme agraire y avait dfinitivement limin lĠaristocratie
prcapitaliste Ç yangban È entre 1945 et 1950. (Cette rforme avait
eu lieu sous la pression intense de la rforme agraire mene dans le Nord et
qui sĠtait tendue au Sud quand les armes de Kim il-sung avaient brivement
occup presque toute la pninsule durant les premiers mois de la guerre.)
Troisimement, la Core du Sud,
pauvre en ressources naturelles et ruine lors des hostilits de 1950-1953,
tait le pays par excellence Ç du capital humain È. Elle a toujours
accord une importance norme, quasi maniaque, lĠducation. Mme en 1960, il
nĠy avait que 10 % dĠilletrisme chez les adultes, pourcentage exceptionnel dans
les pays quivalents du tiers monde, lĠpoque.
La frontire qui divisait le
pays en deux fut fixe le long du trente-huitime parallle, en 1945, par les
armes dĠoccupation amricaines et et sovitiques. La dfaite du Japon pendant
la Seconde Guerre mondiale mit fin 35 annes de domination coloniale
japonaise. Cette domination reprsenta un moment important de lĠhistoire
corenne car elle cra les bases dĠune conomie capitaliste moderne (le bilan
exact de cette priode est encore lĠobjet de controverses).
Quand les occupants japonais
sĠenfuirent en aot 1945, un deux millions dĠouvriers crrent des conseils
ouvriers (Cheonpyong, ou Conseil des ouvriers nationaux Choson) dans les
usines abandonnes de la zone occupe par lĠarme amricaine. Ils nĠtaient pas
spcialement motivs par lĠautogestion (la gauche corenne tait alors domine
totalement par le stalinisme), mais ils avaient besoin de produire de quoi
satisfaire leurs besoins lmentaires quotidiens. Les autorits amricaines
dĠoccupation mirent fin ce systme de conseils ouvriers en dcembre 1945.
Comme dans les pays europens occups par lĠAllemagne nazie
et dont les bougeoisies avaient collabor, lĠaristocratie prcapitaliste
yangban et la petite classe capitaliste taient politiquement et socialement
discrdites. Ë partir de ces forces htrognes, la puissance occupante (les
Etats-Unis) dut installer un gouvernement viable capable de liquider le
soulvement des ouvriers et des paysans, dont beaucoup taient fortement
favorables Kim il-Sung et ses forces de gurilla, et gnralement favorables
un changement radical. Les Etats-Unis choisirent Rhee Syngman comme chef du
gouvernement. Ils supervisrent (et participrent ) lĠcrasement impitoyable
de la gauche dans la zone mridionale durant les cinq annes de guerre de
partisans et de massacres qui prcdrent le dbut la guerre avec la Core du
Nord en juin 1950. En 1950, tous les militants de gauche du Sud soit avaient
t physiquement limins soit avaient fui au Nord (o bon nombre dĠentre eux
furent galement liquids). Dans le Sud, la continuit avec la gauche corenne
dĠavant 1945 fut totalement brise, facteur qui joua un rle non ngligeable
lorsque le rveil politique de la gauche et du mouvement social eut lieu dans
les annes 70.
Solidement paul par le soutien
militaire et lĠaide des Etats-Unis, Rhee Syngman dirigea un pays lĠconomie
faible et stagnante jusquĠen 1960. Il fut finalement renvers par des meutes
menes par les tudiants en 1960, et la Core du Sud connut une brve ouverture
dmocratique, close par le coup dĠEtat de Park chung-hee en 1961, qui ouvrit
une nouvelle re.
Park chung-hee nĠtait pas, du
moins pas seulement, le dictateur typique, la marionette minable soutenue par
les Amricains, aprs la fin de la Seconde Guerre mondiale. On prtend quĠil
aurait adhr au Parti communiste ds 1943 ( ma connaissance aucune preuve
dfinitive nĠen a jusquĠici t fournie), et quĠen 1948 il aurait t arrt
car il appartenait un groupe de discussion du PC regroupant de jeunes
officiers. Quand il prit le pouvoir en 1961, les Etats-Unis hsitrent
reconnatre son gouvernement, et, pendant son rgne autoritaire (1961-1979),
les Amricains se mfirent plusieurs fois de ses tendances nationalistes (par
exemple de son programme nuclaire militaire indpendant et de ses flirts
diplomatiques prcaires avec la Core du Nord.
De plus, Park chung-hee avait
t form dans une acadmie militaire japonaise pendant la Seconde Guerre
mondiale. Il admirait tant le modle nippon de dveloppement conomique quĠil
essaya rapidement de lĠimiter en Core du Sud, avec un certain succs. Puisque
le modle japonais avait lui-mme t copi du modle prussien la fin du XIXe
sicle, la Core du Sud acquit un certain vernis Ç allemand È. Ce
vernis est gnralement dissimul par lĠhritage nippon, lui-mme souvent cach
et objet de polmiques. La Constitution corenne, par exemple, fut rdige par
un juriste coren qui avait tudi le droit en Allemagne dans les annes 50, et
sĠtait entich des thories de Carl Schmitt ; raison pour laquelle lĠ Ç tat
dĠurgence È tait lĠune des pierres angulaires de lĠidologie de Park
chung-hee. Ahn Ho Sang, personnage ouvertement pro-nazi dans les annes 30 et
qui avait tudi en Allemagne sous Hitler, rdigea les manuels scolaires
dĠhistoire pour le secondaire en y introduisant, aprs-guerre, le genre de
mythes hyper-nationalistes que chrissait le populisme romantique allemand.
Plus fondamentalement, Park
chung-hee sĠattaqua aux capitalistes parasites du rgime Rhee soit en les
liminant, soit en les forant se lancer dans des investissements productifs.
Il lana la politique du Ç nouveau village È (Se Maul) dans
les campagnes, conue pour capitaliser entirement lĠagriculture et pour forcer
une partie importante de la population rurale migrer vers les villes et
chercher du travail en usine. Grce la Fdration des syndicats corens (FKTU), trs anticommuniste et marque
par la guerre froide, le rgime exera un contrle draconien sur la classe
ouvrire. Les proltaires travaillaient frquemment 7 jours sur 7, par quipes
de 12 heures, et le rgime nĠhsitait pas, si ncessaire, utiliser la terreur
policire et la torture. Pendant lĠre de Park chung-hee, les clbres chaebol
(conglomrats) sĠimposrent, lĠEtat contrlant le crdit et choisissant les industries
qui devaient tre de vritables Ç championnes nationales È, pratique
qui fut plus tard dnonce comme un Ç capitalisme de copinage È quand
lĠconomie corenne commena avoir des rats pendant les annes 90.
La Core, comme les autres
Ç tigres È asiatiques et la diffrence de la plupart des pays du
tiers monde la mme poque, se dveloppa grce une stratgie oriente vers
lĠexportation. Elle se fraya un chemin vers le sommet de la Ç chane de
production È internationale, commenant par le textile et dĠautres
industries lgres de consommation, puis passant la fabrication (automobile,
construction navale) et terminant par la haute technologie, en sĠemparant de
parts importantes du march mondial pour les composants dĠordinateur durant les
annes 90.
Le succs conomique des annes
Park chung-hee ne peut videmment pas tre spar de ses mthodes autoritaires
ou de la conjoncture internationale de lĠpoque (deux ralits largement
ignores aujourdĠhui dans les discussions au sujet des problmes conomiques
croissants en Core du Sud ; la victoire, en dcembre 2007, de la droite dure
aux lections prsidentielles a donn une aura nostalgique, teinte de rose,
la dictature de Park chung-hee). Non seulement lĠconomie sud-corenne a tir
profit de sa place priviligie dans la stratgie gopolitique amricaine durant
la guerre froide, mais elle chevaucha galement la vague croissante
dĠinvestissements industriels qui, dmarrant vers 1965, commena rechercher
des dbouchs en dehors de lĠAmrique du Nord et de lĠEurope. Les revenus des
Corens lĠtranger jourent galement un rle significatif, car les soldats
sud-corens rapatrirent des millions de dollars durant la guerre du Vietnam et
des dizaines de milliers dĠouvriers sud-corens allrent au Moyen-Orient
travailler sur des chantiers de construction, au cours du boom ptrolier qui
eut lieu aprs 1973.
Etant donn la centralit de
lĠindustrie lgre pendant la priode de Ç dcollage È des annes 60,
ce nĠest donc pas par hasard que la renaissance du mouvement ouvrier sud-coren
se produisit dans lĠindustrie textile, ni quĠelle se droula parmi les
travailleuses, puisque la main-dĠÏuvre tait majoritairement compose de jeunes
femmes.
Le 13 novembre 1970 marque la naissance symbolique du mouvement
ouvrier sud-coren contemporain. Ce jour-l, Jeon Tae-il, un jeune ouvrier du
textile, sĠimmola au cours dĠune petite manifestation dans lĠune des zones
industrielles de Soul qui regroupent des sweatshops
(entreprises o les syndicats sont, de fait, interdits et les ouvriers
surexploits). Jeon avait auparavant essay toutes les dmarches lgales
possibles pour obtenir rparation, mais en vain.
Le mouvement des annes 70 fut
caractris par un nombre croissant de grves menes, dans les conditions les
plus difficiles, par des ouvrires du textile. Les revendications taient
simples et claires ; elles concernaient la longueur inhumaine des journes
de travail, les bas salaires, lĠautoritarisme des chefs et le fait que les
femmes taient obliges de vivre dans des dortoirs. Elles taient gnralement
recrutes directement dans les campagnes et les bidonvilles qui fleurissaient
autour de Soul et dĠautres villes. Les grves furent presque toujours
brutalement rprimes par les gardiens dĠusines, la police, les soldats et des
nervis recruts dans les bas-fonds. La lutte pour la cration dĠun syndicat
dmocratique lĠusine de la socit textile Dongil Inchon, entre 1972 et
1976, fut exemplaire cet gard.
CĠest galement durant les
annes 70 que des groupes religieux (principalement chrtiens) et des tudiants
radicaux (les Ç hakchul È, Ç venant de lĠuniversit È)
commencrent nouer des liens avec le mouvement ouvrier. Les groupes religieux
taient inspirs par la thologie de libration catholique et des doctrines
sociales protestantes similaires. Les groupes religieux et les tudiants
radicaux crrent des coles du soir pour les ouvriers et ouvrires du textile,
pour leur apprendre lire et crire, leur enseigner des rudiments de
secrtariat et aussi leurs droits fondamentaux en tant que salaris.
Les annes 70 virent aussi
clore le mouvement minjung (imprgn par la culture populaire),
troitement li au mouvement religieux et au mouvement hakchul. N dans la
classe moyenne, le mouvement minjung pntra la
culture populaire, qui subissait une rosion rapide sous lĠimpact de la
modernisation de la Core marche force. Il essaya dĠutiliser cette culture
populaire afin de crer une Ç contre-culture de lutte È. Ë cette fin,
il utilisa la musique et les danses du chamanisme coren et des traditions
paysannes rurales : il russit ainsi consolider la dtermination
collective des travailleurs pour lutter contre tous les mauvais coups et la
rpression. Encore aujourdĠhui, les chansons, comme chez les IWW amricains,
demeurent une tradition importante du mouvement ouvrier coren : lors des
manifestations et des grves les travailleurs chantent des dizaines de chansons
que tout le monde connat par cÏur.
Le mouvement coren des annes
70 – que ce soit le mouvement ouvrier ou les mouvements hakchul, minjung ou
religieux – ne dpassa pas le cadre de lĠidologie dmocratique librale
et eut tendance regarder avec sympathie les Etats-Unis quĠil considrait
comme une force qui orienterait la dictature corenne vers la dmocratie. Tout
cela changea avec le soulvement de Kwangju et le massacre qui sĠensuivit en
mai 1980.
Historiquement, la Core a
toujours t un pays caractris par des fidlits rgionales intenses, et ce
phnomne a persist lĠre du capitalisme moderne. La province de
Cholla, dans le sud-ouest, tait traditionnellement une rgion agricole
arrire. Park chung-hee, quant lui , tait originaire de Gyeongsang, une
province du sud-est, et sa politique conomique favorisa surtout cette rgion,
donnant naissance des centres industriels importants (Ulsan, Pohang, et
Pusan). Les habitants de la province de Cholla taient mcontents dĠtre tenus
lĠcart par le pouvoir.
En 1979, des manifestations de
masse balayrent le pays, exigeant lĠinstauration de la dmocratie. Les
ouvriers prirent la tte de plusieurs manifestations. En octobre 1979, Park
chung-hee fut assassin par le chef des services de renseignements corens (la
KCIA), qui prtendit que cela sĠtait produit lĠissue dĠune discussion
concernant la faon de contenir et rprimer les manifestations en cours.
III – Le soulvement de
Kwangju
et le tournant vers le
Ç marxisme-lninisme È
Une brve ouverture
dmocratique, semblable celle de 1960, eut lieu, mais Park chung-hee fut remplac
par un autre dictateur militaire, Chun Doo Hwan. En mai 1980, lĠarme tira sur
une manifestation Kwangju, la plus grande ville dans la province de Cholla.
Il sĠensuivit un soulvement durant lequel la population de Kwangju prit le
contrle de la ville, dvalisa une armurerie militaire, et combattit pendant
onze jours les forces de rpression, y compris une unit dĠlite venue
spcialement de la zone frontire (DMZ) avec la Core du Nord. Au total, on
estime quĠil y eut environ 2 000 morts des deux cts (la plupart dĠentre eux
videmment au moment de la rpression de la rvolte) Kwangju.
Kwangju fut coupe du reste du
pays et la censure empcha toute information de filtrer. (Draconienne, la
Ç loi sur la scurit nationale È, adopte en 1948 et toujours en
vigueur aujourdĠhui, interdisait, sous peine de graves condamnations, de
discuter publiquement du soulvement de Kwangju jusquĠau milieu des annes 90.)
On croit cependant que le gouvernement des Etats-Unis (qui venait de subir le
renversement du Shah dĠIran en 1979 et se trouvait au milieu de la crise des
otages Thran) dcida quĠil ne voulait plus assister des mouvements
radicaux de masse contre des dictateurs amis des Etats-Unis. Il a donc
peut-tre t profondment impliqu dans la dcision dĠcraser violemment le
mouvement (hypothse considrablement renforce par la rcente publication de
documents concernant les rapports entre les deux gouvernements pendant la crise
de 1980).
Ë partir de ce moment-l, le
mouvement coren se dtacha rapidement des idologies librales dmocratiques
et religieuses des annes 70 et prit une orientation plus radicale,
essentiellement vers une rvolution la sauce
Ç marxiste-lniniste È.
Ce tournant idologique montre
lĠimportance de toute la priode prcdente qui fut marqu par:
– la
discontinuit pratiquement totale avec la gauche qui avait merg aprs
lĠeffondrement de lĠoccupation japonaise en 1945, gauche qui fut dtruite par
la rpression du gouvernement coren et de lĠarme amricaine entre 1945 et
1953 ;
– les
dcennies de dictature aprs la guerre de Core qui avaient stigmatis toute
critique sociale comme tant inspire par la Core du Nord ;
– lĠisolement
de la Core du Sud par rapport aux mouvements internationaux et la
fermentation politique des annes 60 et suivantes.
(Quand les tudiants corens
rejoignirent les groupes clandestins dĠopposition dans les annes 70 et 80, une
de leurs premires tches fut souvent dĠapprendre le japonais, afin de lire
tous les livres politiques – et particulirement marxistes –
qui ne pouvaient pas tre dits en Core. Par consquent les Corens du Sud ne
connurent ni la longue rosion du stalinisme qui dura plusieurs dcennies en
Europe et aux Etats-Unis, ni lĠimpact de 1968 et de la Nouvelle Gauche occidentale,
ni la critique radicale du lninisme, ni la redcouverte de Hegel et des crits
de Marx durant les annes 1840. Ils ignorrent tout cela, ou alors ils en
prirent connaissance de faon trs dforme. Au dbut des annes 80, la police
arrta les membres dĠun groupe dĠtude clandestin qui souhaitaient lire en
allemand les crits de Lukacs et de Hegel sur lĠesthtique; ils furent
condamns six mois de prison.)
CĠest pourquoi la radicalisation
du mouvement coren, aprs lĠcrasement de lĠinsurrection de Kwangju, suivit
presque toujours une orientation profondment stalinienne, quĠelle se dise
Ç marxiste-lniniste È, prosovitique, prochinoise ou pro-Core du
Nord. Trotsky tait trs peu connu jusquĠ la fin des annes 80, et les
critiques de gauche de Trotsky encore plus ignores.
Certains des groupes
marxistes-lninistes qui mergrent dans les annes 80 sont lĠorigine des
deux tendances principales du mouvement ouvrier coren actuel (dans la KCTU et
dans le Parti travailliste dmocratique coren ou KDLP). Il sĠagit :
– dĠun ct, de la
tendance Ç libration nationale È, favorable la Core du Nord
: on les appelle les Ç NL È, ou Ç juche-istes È, en raison
de la doctrine nord-corenne du Ç juche È ou Ç autosuffisance È ;
– et, de lĠautre, de la
tendance Ç Dmocratie du peuple È (ou PD) qui est en fait proche de
la social-dmocratie.
Durant la prparation de
lĠlection prsidentielle de dcembre 2007, les Ç Juche-istes È
sĠemparrent de lĠappareil du KDLP, et purgrent une partie des membres de
Ç Dmocratie du peuple È. (Il faut galement noter que ces deux
courants sont implants principalement dans les syndicats de cols blancs, tels
ceux des banques, les professeurs et dĠautres fonctionnaires, tandis que la
plupart des cols bleus ne sĠintressent aucune de ces deux tendances. Sous la
direction du courant NL, le KDLP a perdu des voix dans tout le pays, puisque,
entre les lections de 2002 et celles de 2007, il est pass de 5 3%
lĠchelle nationale, et quĠ Ulsan, le bastion de la classe ouvrire corenne,
son score a chut de 11 8%.)
Le nationalisme est endmique en
Core, y compris dans le mouvement ouvrier. Cela est d aux sicles de
domination trangre (chinoise, japonaise, puis amricaine) quĠa subis le pays,
la division de la Core aprs 1945, et sa position gopolitique au
Ç carrefour È des sphres dĠinfluence chinoise, japonaise, russe et
amricaine.
La pninsule corenne, ou
lĠhgmonie dans cette rgion, a t la cible des intrusions trangres pendant
des sicles, et plus rcemment, de la guerre sino-japonaise de 1895,
russo-japonaise de 1904- 1905, et enfin de la guerre de Core. Ç Quand les
baleines se battent, les vairons sĠenfuient pour se mettre lĠabri È
– ce vieux proverbe coren exprime bien cette ralit. Pendant 35 ans (de
1910 1945) la domination coloniale japonaise tenta dĠliminer presque
entirement la culture corenne, ce qui ne fit que renforcer cette tendance
nationaliste. Enfin, les mythes sur lĠhomognit ethnique, promus par les
manuels dĠhistoire remplis de mythes populistes ou, plus rcemment, les
tlfilms historiques au sujet de la grandeur corenne passe ont jou aussi
leur rle. (La Core du Nord a propag, elle aussi, une version diffrente de
ce nationalisme, et bien plus virulente.) Dans ce contexte, mme les vnements
sportifs, comme les Jeux Olympiques de Soul en 1988 ou les succs de lĠquipe
corenne en 2002 lors de la demi-finale de la coupe du monde de football,
deviennent des vnements qui contribuent forger lĠidentit nationale.
Pour les mmes raisons
gopolitiques, toute lutte de classe srieuse en Core du Sud prend
immdiatement une dimension internationale.
Lors de la renaissance de la
gauche et du mouvement social dans les annes 70 et les annes 80, personne ne
remit donc en cause le nationalisme. Durant les annes 80 un
Ç marxisme È stalinis carta les orientations dmocratiques
librales qui avaient domin durant la priode prcdant lĠinsurrection de
Kwangju. Ë travers leurs publications clandestines influentes, les groupes
marxistes-lninistes importrent surtout en Core du Sud des variantes de la
thorie lniniste de lĠimprialisme, de la thorie du capitalisme de monopoles
et des thories de la dpendance.
Durant les annes 80 le
mouvement hakchul sĠimplanta aussi dans les usines,
exactement comme les Ç tournants ouvriers È et autres politiques dĠ
Ç tablissement È que prnrent les petits bourgeois radicaux dans
les pays occidentaux aprs 1968. Ë la crte du mouvement, des milliers
dĠex-tudiants se firent embaucher en usine, et parfois menrent des grves
importantes.
Ë la fin des annes 80, la
gauche et lĠextrme gauche corennes considraient tout naturellement la Core
du Sud comme un pays Ç priphrique È du systme imprial amricain,
qui ne pourrait tre libr que par le Ç socialisme È (au sens
stalinien) et la runification nationale avec le Nord. Elles avaient ainsi
tendance sous-estimer la profondeur du dveloppement industriel coren et
surtout lĠlasticit du systme qui allait pouvoir accorder des augmentations
de salaires significatives, dans un cadre capitaliste, aprs la rvolte
ouvrire des annes 1987-1990. De telles thories furent renforces par le fait
que la Core du Sud ne rattrapa, puis dpassa conomiquement, la Core du Nord
quĠaux alentours de 1980.
La convergence de tous ces
facteurs signifia que lĠeffondrement de lĠUnion sovitique en 1991, concidant
avec la diminution des luttes ouvrires aprs 1990, eut un impact psychologique
bien plus fort sur les militants en Core que nĠimporte o en Occident, o le
prestige de lĠUnion sovitique avait commenc sĠeffondrer partir de 1956 au
moins, en tout cas certainement aprs 1968. Le climat politique devint dj
particulirement morose au printemps 1991, quand un tudiant de Soul fut battu
mort par la police et que les candidats de la gauche dmocratique furent
crass lors des lections municipales de juin 1991. Tout cela contribua
crer un certain dfaitisme et un sentiment de futilit de la lutte politique
aprs des annes de la mobilisation et de luttes. Il faut ajouter que
lĠconomie corenne, qui avait connu une phase dĠexpansion dans la priode
1986-88 et durant la premire phase de la Grande Lutte des Travailleurs, connut
de nouvelles difficults partir de 1990, difficults dont elle nĠa pas encore
entirement rcupr jusquĠici.
Des phnomnes comparables se
produisirent en Occident aprs la fin des annes 70, lorsque des milliers de
militants arrtrent leurs activits politiques, dcidrent de ne plus se
consacrer quĠ leur vie prive, tentrent de poursuivre une carrire dans une
des professions de la classe moyenne ou, dans les milieux universitaires,
succombrent lĠattrait du post-modernisme.
IV - La politique nationale
et la Grande Lutte des
Travailleurs (1987-1990)
Il nous faut galement voquer
le contexte politique qui sous-tend le cours de la lutte de classe.
Ë partir des annes 80, les
luttes ouvrires pour des syndicats dmocratiques passrent (tout comme
lĠconomie corenne elle-mme) de lĠindustrie lgre lĠindustrie lourde. La
dictature militaire de Chun Doo Hwan, qui succda celle de Park chung-hee,
fut oblige de relcher son contrle sur la socit au milieu des annes 80,
sous la pression croissante de lĠopposition dmocratique au cours de la
prparation des Jeux olympiques panasiatiques (en 1986) et des Jeux olympiques
de Soul (en 1988). En particulier, le gouvernement dut lcher une
Ç dclaration sur la dmocratisation È en juin 1987, face la menace
que la classe ouvrire sĠassocie aux protestations en faveur de la dmocratie.
Et cette dclaration dclencha immdiatement la Grande Lutte des Travailleurs
durant lĠt 1987. Pour la premire fois, le mouvement passa de la rgion de
Soul-Inchon aux nouvelles zones industrielles mridionales dĠUlsan, Masan et Changwon.
En tout, il y eut plus de 3 000 grves en 1987, qui obtinrent le droit de crer
des sections syndicales, de 25 30% dĠaugmentation de salaire, et lĠabolition
de la discipline militaire, particulirement dteste dans les usines :
les patrons imposaient aux ouvriers de porter des cheveux courts, de faire de
la gym tous les matins, etc. Ë Ulsan, la ville de la socit Hyundai, on
assista des mobilisations massives et des combats de rues qui durrent
jusquĠen 1990.
La grve de 128 jours (dcembre 1988-avril
1989) chez Hyundai Heavy Industries (HHI) se termina par une attaque militaire
coordonne contre le chantier naval de Hyundai, occup par les travailleurs. Le
gouvernement lcha contre eux 9 000 soldats et policiers, au cours dĠune
offensive terrestre, maritime et arienne. Il sĠensuivit dix jours de combats
de rues (mobilisant les ouvriers mais aussi leurs pouses et leurs enfants)
dans les quartiers ouvriers dĠUlsan. Cette lutte fut suivie en 1990 par la
grve de Goliath, encore Hyundai Heavy Industries, conflit qui se termina par
une dfaite amre. (En rponse ces luttes Hyundai construisit de nombreux
immeubles de grande hauteur pour y loger ses ouvriers.)
V - 1990-1997 : le
dclin des luttes
et le reflux du mouvement
commencent
Le reflux des luttes offensives
de masse de la priode 1987-1990, et lĠatmosphre gnrale de dfaite qui
sĠensuivit ouvrirent une nouvelle phase dans les organisations ouvrires
corennes. Les augmentations de salaires obtenues la fin des annes 80
renforcrent brivement lĠillusion de la possibilit dĠune cohabitation entre
le Capital et le Travail, et renforcrent donc les courants rformistes.
En particulier, au sein de la
Confdration nationale des syndicats (ChoNoHyop), la tendance de droite et
ouvertement rformiste (dite NL, pour la libration nationale, et favorable
la Core du Nord) commena prendre le dessus sur la tendance radicale
affaiblie. (En coren, la tendance NL sĠappelle Kukminpa, ce qui signifie
littralement Ç Les Travailleurs unis avec la Nation È.) Cette
tendance a toujours courtis les bureaucrates et les politiciens. Comme nous
lĠavons dit prcdemment, le gouvernement perscuta les meilleurs militants de
la NCTU et soutint les rformistes, ce qui dtruisit la NCTU en 1995 et conduisit
au regroupement des syndicats dans la KCTU sous la direction de son aile
droite. (En effet, la fondation de la NCTU en janvier 1990, la plupart de ses
dirigeants taient en prison ou dans la clandestinit.) La longue exprience de
la dictature et du clientlisme poussa galement une partie des ouvriers
accueillir favorablement la dmocratie bourgeoise et le no-libralisme.
Cependant Ulsan resta un centre
de fermentation sociale intense et, en juin 1991, quand Park Chang Su, un
dirigeant syndical, fut tu en prison, 20 000 ouvriers de Hyundai Heavy
Industries et 30 000 ouvriers de Hyundai Motor Company attaqurent la mairie
dĠUlsan, et leur lutte dura finalement un mois.
En 1992, la Core du Sud adhra
lĠOrganisation internationale du travail (lĠOIT), peu prs au mme moment
o les capitalistes se concertaient pour attaquer leurs gains salariaux. Ë
cette priode, les travailleurs du secteur public, qui touchaient de bas
salaires, commencrent sĠorganiser, les travailleurs des Tlcoms de Core
(KT) tant les plus militants. Mme si leurs luttes tendaient tre
principalement centres sur la question des salaires, ils se battaient aussi
pour davantage de dmocratie dans les entreprises.
En 1993-1994, la discussion fit
rage dans le mouvement propos des perspectives, y compris le besoin de lancer
des grves politiques. Les courants les plus radicaux voulaient transformer les
syndicats dĠentreprises (les plus rpandus ce jour) en syndicats de branches,
et crer une confdration. Tandis que la NCTU dclinait encore sous les coups
de la rpression et les magouilles de la tendance NL, la voie tait ouverte
pour la cration de la KCTU, qui fut formellement fonde en novembre 1995, mme
si elle ne fut pas lgalise avant que nĠclate la crise du FMI.
Quelques grves russies eurent
lieu en 1995-96, notamment une grve chez KT (les Tlcoms de Core), qui
obtint des augmentations de salaires importantes. En raison de grves comme
celles-ci, les salaires des ouvriers tendaient dpasser ceux des fonctionnaires.
En mme temps, les employeurs corens dcidrent dĠabandonner progressivement
le modle des chaebol pour profiter des avantages de la
mondialisation. Les deux camps sĠchauffaient en vue de lĠaffrontement propos
de la loi sur la prcarisation du travail, affrontement qui allait se produire
en 1996-1997.
Ë lĠautomne 1996, la
mobilisation de la base et la prparation de la grve gnrale sĠaccenturent.
Sous cette pression, la KCTU dut se retirer des discussions pour la cration de
lĠinfme Commission tripartite (Etat-Travail-Capital) qui sera lance au milieu
de la crise du FMI, au printemps 1998. La base des syndicats commena rejeter
de plus en plus la tendance NL.
Les contre-mesures importantes
prises par les militants les plus radicaux de crer des Ç hyung-jang
jojik È, structures de base qui essayrent de combattre la
dgnrescence des syndicats et de la KCTU lĠaide dĠune organisation
alternative, qui nĠtait pas Ç extrieure È aux syndicats mais un
contre-pouvoir interne ayant en mme temps des liens Ç horizontaux È
avec les militants dĠautres syndicats, pour lutter contre les tendances
corporatistes fondes sur le patriotisme dĠentreprise. Les hyung-jang
jojik ont eu de lĠinfluence pendant une quinzaine dĠannes, de 1990
2005. Dans diffrentes circonstances, les hyung-jang jojik
russirent prendre le pouvoir dans des syndicats importants, la suite de
quoi ils se bureaucratisrent le plus souvent; au cours des dernires annes,
ils sont devenus la proie de divers groupes qui cherchaient un moyen discret
dĠinfluencer les syndicats, et ils se sont finalement effondrs. Mais durant
leur meilleure priode, dans une situation gnralement dfensive, ils ont
prserv une certaine continuit avec la pousse radicale de la priode 1987-1990.
VI - La grve gnrale et la
crise du FMI, 1997-1998
Juste aprs Nol 1996, le
gouvernement coren de Kim Jung-sam, au cours dĠune session spciale de nuit et
en lĠabsence des dputs de lĠopposition, fit adopter la premire dĠune srie
de lois sur la prcarisation du travail destines faire pntrer lĠconomie
sud-corenne dans lĠre de la Ç mondialisation È, faciliter les
licenciements pour les employeurs, et introduire des contrats temporaires
(diffrencis selon le statut). Les employeurs avaient rgulirement rogn
les conqutes des travailleurs acquises la fin des annes 80, et lĠconomie
sĠaffaiblit davantage durant lĠanne 1996 avec des faillites de plus en plus
nombreuses, mais ce fut la premire confrontation directe avec la nouvelle
puissance de la classe ouvrire.
Sous lĠintense pression de la
base, la KCTU, fermement contrle par lĠaile droite qui avait battu et dtruit
la NCTU, appela une grve gnrale immdiate qui fut largement suivie. Mme
la FKTU, syndicat conservateur, jaune, perptuant lĠesprit de la guerre froide,
rejoignit le mouvement. Les cols blancs se mirent en grve eux aussi, et,
lĠapoge de la lutte, trois millions de travailleurs firent grve. (Le
gouvernement retira la lgislation initiale, mais une loi pratiquement
identique fut adopte en mars 1997, sans raction significative de la KCTU.) Ë
nouveau, lĠexprience historique de la classe ouvrire corenne et la nouveaut
des mesures de prcarisation donnrent la grve une tonalit plus Ç antifasciste È
quĠanti-nolibrale. La KCTU fit tout ce qui tait en son pouvoir pour viter
une confrontation avec le gouvernement, et dmobiliser les travailleurs partout
o elle le put. La base, quant elle, fit preuve dĠune grande spontanit,
comme chez Hyundai et la Kia Motor Company. On raconte que la KCTU se runit
secrtement avec les patrons pour leur assurer quĠils contrlaient la grve et
que celle-ci faiblissait. Ils lancrent la tactique inefficace de la
Ç grve du mercredi È, proposition rpte plusieurs reprises au
cours des annes suivantes. La grve gnrale sĠarrta la fin janvier, sans
avoir rien rsolu.
Ë la suite de la grve gnrale,
le Parti travailliste dmocratique coren (KDLP, ou Minju Nodong TanG) fut
fond au printemps 1997, avec les mmes lments de droite qui dominaient la
majorit de la KCTU. LĠchec de la grve de janvier 1997, cependant, fut son
tour clips par la dvastation de lĠconomie corenne pendant la crise
financire asiatique de 1997-1998.
La crise commena en Thalande,
en juillet 1997, par lĠeffondrement de la devise thalandaise, puis elle frappa
une bonne partie de lĠAsie au cours des mois suivants, alors tous les pays qui avaient dfendu
Ç la libert du commerce È et par consquent allg les contrles sur les
mouvements de capitaux connurent une fuite massive des capitaux et
lĠeffondrement de leur devise. La Thalande, lĠIndonsie et la Core furent les
plus touches. Le won coren chuta de 40% en novembre 1997, tandis que le
gouvernement de Kim Jung Sam tait renflou par le FMI qui promit de lui verser
57 milliards de dollars. Les quatre candidats aux lections prsidentielles de
dcembre 1997 durent tous sĠengager par crit respecter lĠaccord avec le FMI,
sinon la Core ne pourrait pas recevoir lĠargent.
Ainsi Kim Dae Jong, reprsentant
de lĠopposition dmocratique, qui fut finalement lu prsident de la Core
aprs une trs longue traverse du dsert, dut consacrer son mandat faire
appliquer le paquet de mesures draconiennes prnes par le FMI : licenciements,
coupes dans le budget des services publics, drgulation, rachat des industries
corennes et des banques par des socits trangres, et prcarisation du
travail. La dmocratie corenne, tout comme le mouvement ouvrier coren avant
elle, triompha au moment mme o la ralisation de ses promesses antrieures
tait devenue impossible, et son triomphe servit cacher lĠapplication dĠun
programme conomique et social extrmement dur. Les faillites se succdrent en
cascade et les suicides augmentrent en flche. Le FMI exigea au dbut que les
banques corennes congdient 50% de leur personnel (le chiffre fut ensuite
abaiss 30%) et que lĠEtat fasse de mme pour ses fonctionnaires. Le taux de
chmage tripla en moins de deux ans, et des millions de gens retombrent
nouveau dans la pauvret.
Dans cette situation, Kim Dae
Jong et la KCTU jourent chacun leur rle, fix lĠavance. Kim poussa la
direction de la KCTU signer les accords tripartites de fvrier 1998, donc
approuver les licenciements de masse prsents comme des mesures dĠurgence
indispensables. La base de la KCTU se rvolta contre cette capitulation abjecte
et chassa la direction qui avait conclu et sign les accords. Quelques grves importantes clatrent contre
des licenciements en 1998, comme la Hyundai Motor Company (HMC), mais les
nouveaux dirigeants de la KCTU furent emprisonns et les grves se terminrent
gnralement par des dfaites.
Pendant la crise du FMI,
beaucoup de petites usines furent liquides, y compris celles regroupant des
travailleurs particulirement militants depuis la vague de grves de la fin des
annes 80 et qui auparavant sympathisaient avec la NCTU. Pour la premire fois,
en accord avec les exigences du FMI, la Ç main dĠÏuvre
occasionnelle È devint un phnomne important au sein de la classe
ouvrire corenne. Une grve clata contre la vente des actions des Tlcoms de
Core (KT) aux investisseurs de Wall Street, par exemple. Cette grve montra le
foss croissant qui se formait entre la Ç main-dĠÏuvre rgulire È et
la Ç main-dĠÏuvre occasionnelle È. Non seulement les travailleurs
fixes, plus gs, touchaient un salaire plus lev et travaillaient moins que
les jeunes en CDD, mais ils nĠavaient pas, ou manquaient, de connaissances
informatiques, ce qui crait chez eux un sentiment dĠinscurit croissante au
travail. Les chefs des syndicats employaient un langage radical mais ne
faisaient rien. Finalement, les travailleurs fixes et prcaires firent grve,
mais pas en mme temps. La grve des Tlcoms de Core (KT) se termina par le
renvoi de 10 000 salaris prcaires.
LĠaccord de fvrier 1998 entre
Kim Dae Jong et la direction de droite de la KCTU concernant les licenciements
de masse provoqua une rvolte de la base de la KCTU, et toute la direction fut
chasse aprs que des militants ouvriers, arms avec barres de fer, eurent
occup le sige du syndicat.
Une nouvelle direction de gauche
sĠinstalla la tte du syndicat et essaya de relancer une grve gnrale
contre la nouvelle loi du travail en mai, juin et juillet 1998, mais en vain.
La vieille direction conserva le pouvoir dans les syndicats de lĠindustrie
lourde, et sĠopposa toute action militante. Entre juin et aot 1998, une
grve de 28 jours eut lieu la Hyundai Motor Company, qui se termina par le licenciements
de 10 000 travailleurs fixes. En lĠespace de deux ans, 10 000 ouvriers
prcaires furent embauchs pour faire leur boulot. Les Tlcoms corens et
diverses banques licencirent aussi une partie de leur personnel fixe et le
remplacrent par des salaris prcaires.
VII – Aprs 1998 : le
conflit entre travailleurs Ç fixes È et Ç prcaires È
devient une question centrale pour le mouvement ouvrier coren
Ë partir de la crise du FMI, la
question de la Ç main-dĠÏuvre occsionnelle È a pris de plus en plus
de place au sein du mouvement ouvrier coren, ainsi que lĠantagonisme entre
travailleurs fixes et prcaires, les salaris fixes voyant les salaris
prcaires comme un danger pour leur emploi. (En lĠan 2000, un syndicat national
des salaris prcaires a t fond, et cette confdration compte maintenant
plus de 50 000 membres.)
Ds 1999, une grve nationale de
32 jours de 4 000 tuteurs des coles Jaenung (les Ç hakwon È,
ou cours privs du soir) leur permit dĠacqurir le droit de mener des ngociations
collectives. Le gouvernement avait ni leur statut de salaris, les considrant
comme des Ç entrepreneurs indpendants È. La grve fut importante
parce quĠelle prouva que les travailleurs prcaires pouvaient sĠorganiser,
contre la rsistance de lĠEtat et des employeurs.
En 2000-2002, une grve dura 517
jours chez les Tlcoms de Core (KT). Au lendemain de la dfaite, le syndicat
des travailleurs prcaires de KT fut dissous. Les travailleurs fixes de KT
taient gnralement hostiles aux travailleurs prcaires. Aprs la grve, les
Tlcoms de Core embauchrent des gens en tant que Ç salaris contrat
indirect È, cĠest--dire ayant un statut
dĠintrimaires. En 2002, 49% des actions des Tlcoms de Core (KT) furent
vendus des investisseurs amricains, et on distribua des indemnits
substantielles de licenciement aux travailleurs licencis ainsi que des actions
aux salaris fixes.
En 2000-2001, une grve dura
plus dĠun mois dans une usine de climatiseurs, et fut trahie par les
travailleurs fixes, pour contrecarrer lĠaction des militants des syndicats de
salaris prcaires.
En 2000, cependant, les salaris
du Lotte Hotel fournirent un contre-exemple : ils prouvrent quĠun
syndicat de travailleurs fixes pouvait, dans certaines circonstances, organiser
les salaris prcaires. Aprs que les propritaires dĠhtel eurent men une
violente rpression et que les grvistes eurent t emprisonns, lĠhtel
accepta de rgulariser les prcaires sur une priode de deux ans.
Pendant ces mmes annes,
cependant, le KDLP vira droite, et la domination de la ligne du courant NL,
oriente vers les bureaucrates de la KCTU et les politiciens du KDLP, empcha
lĠorganisation des travailleurs prcaires. (En 2004, la KCTU aida mme un P-DG
de Hyundai mener sa campagne lectorale en tant que candidat indpendant.) A
ENTENDRE CERTAINS MILITANTS, la KCTU ALLAIT JUSQU'A DEFENDRE une politique
nolibrale qui imposait lĠexternalisation.
En 2003, par exemple, les
conducteurs de camions de Pusan dclenchrent une grve avec succs, mais le
gouvernement, les patrons, la KCTU et le KDLP la sabotrent. La mme anne, une
grande grve clata la raffinerie LG Caltex (aujourdĠhui GS Caltex), mais la
KCTU ne fit rien pour aider les grvistes.
En 2005, 10 000 travailleurs
prcaires du ptrole et de la chimie Ulsan luttrent pendant 83 jours
propos de leurs conditions de travail. La structure dĠembauche complique
impose par les lois du travail et la stratgie des entreprises affaiblirent la grve. Un Ç Comit
pour la rgion dĠUlsan È fut cr pour rgler le conflit, y compris des
capitalistes, des P-DG, des patrons de PME, des ONG, et la section dĠUlsan de
la KCTU. LĠaccord se limita la reconnaissance du syndicat. Les ouvriers
retournrent au travail pendant les six mois que durrent les
Ç discussions È au sein du comit, et celles-ci nĠaboutirent rien. Les grvistes reprirent le
travail suite aux concessions accordes par les PME, mais lorsque la KCTU et le
KDLP se retirrent de la scne, aucune clause de lĠaccord ne fut jamais applique.
Au cours de lĠt 2005, une
bataille clata de nouveau chez la Hyundai Motor Company, Ulsan, propos de
la prcarisation. Un travailleur sĠimmola en signe de protestation, mais le
syndicat refusa de lier sa mort la situation dans lĠusine. Les travailleurs
prcaires essayrent dĠarrter la chane, mais les salaris fixes refusrent de
collaborer leur action. Les cadres de lĠentreprise et les jaunes remirent la
chane en marche tandis que les ouvriers fixes refusaient dĠagir. Tous les travailleurs
prcaires impliqus dans la lutte furent licencis.
En juin 2006, le syndicat des
mtallos vota pour former un syndicat de branche afin de tenter de surmonter la
fragmentation des ouvriers entre une multitude de filiales secondaires ayant
chacune des contrats diffrents, mais HMC ngocie toujours avec le
syndicat-maison de HMC. Beaucoup dĠouvriers militants sĠopposrent la
cration dĠun syndicat de branche en raison de son programme corporatiste.
Plus tard, cet t-l, les
travailleurs prcaires de la construction des gigantesques usines sidrurgiques
de POSCO Pohang dclenchrent une grve sauvage et furent battus. En aot
2007, les ouvriers prcaires de la Kia Motor Company entamrent une grve
sauvage et occuprent une partie de lĠusine, o ils furent physiquement
attaqus par les travailleurs fixes de Kia et forcs reprendre le travail.
VIII - La grve dĠE-Land
claire lĠhorizon social
La grve dĠE-Land qui se
poursuit lĠheure o nous crivons (6 janvier 2008) est la lutte la plus rcente
et, par certains cts, la plus importante de toutes celles qui ont plac les
travailleurs prcaires au centre
et sur le devant de la scne sociale sud-corenne.
En novembre 2006, le
gouvernement coren fit adopter la plus rcente dĠune srie de mesures sur le
travail prcaire, quĠil appela, dans un style bien orwellien, la Ç loi
pour la protection de la main-dĠÏuvre occasionnelle È. Elle a t conue
pour crer lĠillusion que le pouvoir Ç faisait quelque chose È
propos dĠun problme affectant maintenant plus de 60% de la population active
sud-coreenne. La loi stipule, quĠau bout de deux ans dans la mme entreprise,
tous les salaris prcaires acquirent automatiquement le statut de
travailleurs fixes. La loi entra en application sept mois plus tard, le 1er
juillet 2007, mais ses normes lacunes offraient la possibilit aux employeurs
de congdier leurs salaris prcaires avant la date-limite des 2 annes de
prsence dans lĠentreprise. Quelques socits se sont conformes la loi, mais
de nombreuses autres ne lĠont pas fait et ont licenci leurs travailleurs
prcaires en juin 2007. La situation a t mise le plus clairement en vidence
dans deux chanes de grands magasins E-Land et, en second plan, New Core.
E-Land a commenc comme une
petite affaire de famille, sous la frule dĠun propritaire chrtien
fondamentaliste, et est dsormais une socit qui fait 58 milliards de dollars
de chiffre dĠaffaires annuel avec 61 succursales dans le pays. Elle sĠest
empar des magasins de la chane franaise Carrefour. Cette socit impose des conditions de travail
particulirement dures. Elle embauche surtout des femmes avec des contrats
prcaires ; celles-ci gagnent 800 dollars par mois pour des semaines de 40
heures, et sont souvent obliges de travailler 12 heures dĠaffile sans mme le
droit (lgal) de se rendre aux toilettes. De plus, la socit fait pression sur
tous ses employs, quĠils soient chrtiens ou pas, pour quĠils frquentent la
chapelle de lĠentreprise. Le P-DG dĠE-Land a vers 15 millions de dollars son
glise en 2006. Juste avant que la nouvelle loi sur la prcarisation entre en application, les socits
E-Land et New Score ont licenci 1 000 salaris qui travaillaient depuis
suffisamment de temps pour acqurir le statut de travailleurs fixes.
Les salaris ont ragi immdiatement par une grve qui en est
maintenant (en janvier 2008) son septime mois, et ils tiennent toujours
bon. Au dbut de la grve, partout
en Core du Sud, des milliers de travailleurs prcaires dĠautres branches sont
venus pour aider fermer les magasins dĠE-Land. Sous la pression de cet important soutien des salaris, la
KCTU est entre dans le mouvement. Elle a dploy tout son arsenal pour
touffer la grve sous une rhtorique pseudo-radicale tout en dtournant lĠnergie
de la base et des soutiens Ç extrieurs È vers des actions symboliques
sans signification. Le 30 juin, cependant, 200 employs dĠE-Land ont occup une
succursale Soul et lĠont ferme. Le 20 juillet, le gouvernement a ragi en
envoyant 7 000 soldats, policiers et nervis embauchs par la socit pour
expulser et arrter 200 personnes. Le gouvernement Noh Moon Yon, en pleine
dcrpitude (fortement inpopulaire, il ne durera de toute faon que jusquĠen
fvrier 2008), a mis tout son
prestige en jeu pour faire accepter la nouvelle loi. Mais il nĠtait pas le
seul comprendre lĠimportance de la grve. De nombreux grands chaebols ont
aid E-Land en lui prtant des millions de dollars. La KCTU, pour sa part,
promit de prter des sommes importantes aux syndicats dĠE-Land et de New Core
quand leur caisse de grve serait vide, vers la fin de lĠt 2007, puis elle
revint sur son offre. La KCTU a constamment fait pression sur les
syndicats-maison pour quĠils acceptent de venir la table des ngociations tandis
que la direction dĠE-Land nĠa pour le moment lch aucune concession. A Pohang,
en novembre, E-Land a mme essay dĠouvrir une nouvelle succursale avec
seulement des employs prcaires. 500 travailleurs dĠE-Land et dĠautres
salaris prcaires ont non seulement bloqu lĠentre du magasin, mais attaqu
et dsarm les flics et les nervis qui le protgeaient. Des actions semblables,
y compris des blocages et des occupations de magasins, se sont produites par
intermittence tout au long de lĠautomne 2007.
Contrairement beaucoup
dĠautres grves prcdentes autour de la question du travail prcaire, ce qui
est peut-tre le plus remarquable dans la grve dĠE-Land, cĠest la large
sympathie et lĠappui dont bnficie la grve parmi les salaris prcaires qui
vivent dans la mme situation. Un boycott
national a russi, jusquĠau mois de dcembre 2007, rduire les ventes de 30%, et mme
les mdias, du moins dans les premires semaines, se sont montr plutt
favorables la grve. Que la grve dĠE-Land permette – ou pas – aux grvistes de rcuprer
leur boulot, ce mouvement reprsente dj une victoire pour le mouvement
ouvrier dans son ensemble car dsormais on ne peut plus ignorer le problme de
la prcarisation du travail en Core du Sud.
Loren Goldner
(traduit de lĠanglais pour le nĦ
22-23 de Ni patrie ni frontires, paratre en mars 2008)
Bibliographie
Pour prparer cet article, jĠai
appris bien davantage en discutant et collaborant avec des militants et des
intellectuels corens partisans de la lutte de classe quĠen lisant nĠimporte
quel livre, lĠexception de Korean Workers, The Culture and Politics of
Class Formation de Koo Hagen publi en 2001. Ce livre constitue
lĠunique ouvrage disponible dans une langue occidentale et qui offre une
analyse complte de lĠhistoire de la classe ouvrire corenne. JĠai bien sr
t considrablement limit par ma matrise insuffisante de la langue corenne.
La liste rcapitulative ci-dessous rassemble les ouvrages que jĠai nanmoins
trouvs utiles.
Bae, Kichan, Korea at the
Crossroads. The History and Future of East Asia, Soul, 2007
Brzezinski, Zbigniew, The
Grand Chessboard. American Primacy and Its Geostrategic Imperatives, New
York, 1997
Cho, Lee-Jay et al., (sous la
direction de), Institutional and Policy Reforms to Enhance Corporate
Efficiency in Korea, Soul, 2007
Cho, Lee-Jay et al. (sous la
direction de), Regulatory Reforms in the Age of Financial Consolidation,
Soul, 2006
Cumings, Bruce, The Origins
of the Korean War, vol. I: Princeton, 1981 ; vol. II: Princeton,
1990
Denis, M. et al., Sdkorea:
Kein Land fuer friedliche Spiele, Reinbek bei Hamburg, 1988
Graham, E., Reforming KoreaĠs
Industrial Conglomerates, Washington DC, 2003
Harris, N., The End of the
Third World, London, 1986
Hart-Landsberg, M. et al. (sous
la direction de), Marxist Perspectives on South Korea in the Global Economy,
Hampshire (Grande-Bretagne), 2007
Hart-Landsberg, M., The rush
to development : economic change and political struggle in South Korea, New
York, 1993
Hwang, B-D., Nachholende Industrialisierung
und autoritrer Staat, Berlin, 1989
Kang, Su-Dol, Fordismus und
Hyundaismus, Francfort, 1995
Kim, San/Wales, N., Song of
Ariran, New York, 1941
Kim, S./Shin, D.C., Economic
Crisis and Dual Transition in Korea, Soul, 2004
Kim, W./Kim, P.S., Korean
Public Administration, Soul, 1997
Jeju Development Institute/ East
Asia Foundation, Building a Northeast Asian Community, vol.
II, Soul, 2006
Jeong, Seongjin et Shin,
Jo-Yung, Ç Debates on the Economic Crisis within the Korean Left È,
in Rethinking Marxism, vol. II, nĦ 2, printemps 1999
Jomo, K.S., Tigers in
Trouble, Financial Governance, Liberalisation and Crises in East Asia,
London, 1998
Johnson, Chalmers, Blowback, 2000
Kim, Kyeong-won, Post-Crisis
Transformation of the Korean Economy, A Review from 1998 to 2002,
Soul, 2003
Kirk, D./Choe, S.H., Korea
Witness, Soul, 2006
Kirk, Donald, Korean Dynasty,
Hyundai and chung Ju Yung, Hong Kong, 2000
Koo, Hagen, Korean Workers,
The Culture and Politics of Class Formation, Ithaca, 2001
Korean National Commission for
UNESCO, The Korean Economy: Reflections at the Millennium,
Soul, 2001
Lee, B-H., Verfassungs- und
gesellschaftspolitische Konzeptionen und ihre Verwirklicung in der Dritten
Republik Koreas (1963-1972)
Jacobs, Norman, The Korean
Road to Modernization and Development., Urbana, 1985
Moon, C. et Steinberg, D., Korea
in Transition, Three Years under the Kim Dae-Jung Government,
Soul, 2002
Ogle, G., South Korea:
Dissent Within the Economic Miracle, Londres, 1990
Park, Min-na, Birth of
Resistance, Stories of Eight Women Worker Activists, Soul, 2005
Scalapino, R. et Lee, Chong-sik,
Communism in Korea, vol. I. Berkeley, 1972
Sun, Hak Tae, The Political
Economy of Democratic Consolidation. Dynamic Labour Politics in South Korea,
Kwangju, 2002
Socialist Political Alliance, Marx/
Revolution, Papers of the SPA International Conference in Soul and Ulsan,
octobre 2006, Soul
Suh, D-S., The Korean
Communist Movement, 1918-1948, Princeton, 1967
West, J., A Critical
Discourse on Korean Law and Economy, Pusan, 2002
Woronoff, J., AsiaĠs
ÒMiracleÓ Economies, Soul, 1986
Pour les
notes ajouter :
Informations
prises sur Indymedia quĠil serait bon de vrifier vu le peu de srieux de ces
gens-l
La Core DU SUD compte 49 millions dĠhabitants
et couvre 99 274 km2.
RELIGION
Les deux principales religions sont le christianisme (49 %
des croyants, dont 36 % de protestants et 13 %
de catholiques) et le bouddhisme (47 % des
croyants) sont les deux religions dominantes de la Core du Sud. Bien que
seulement 3 % de la population se dclarent confucianistes, la socit
est fortement imprgne des valeurs et croyances confucennes. Le restant
des Corens pratique le chamanisme
(culte traditionnel de l'esprit) et le Cheondogyo (Ç manire
divine È), une religion traditionnelle, encore populaire.
(ces statistiques sont un peu absurdes car
on nous parle des Ç croyants È comme si tous les Corens taient des
Ç croyants È Quid des athes, des animistes et des autres. As-tu des
infos l-dessus ? Ce serait bien dĠen parler un peu car jĠai t surpris
de dcouvrir lĠinfluence de la religion chrtienne dans ce pays)
EN EFFET, IL Y A BEAUCOUP DE NON-CROYANTS.
LES CHRETIENS SONT 20% DE LA POPULATION ; LES BOUDDISTES UN PEU MOINS
Trouv un article qui semble plus srieux
http://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2004-1-page-111.htm
Mme proposition que pour les
chaebols : je peux faire une note trs rsume et te la soumettre, sauf si
tu lĠas fait toi-mme !
LES CHAEBOLS (HYUNDAI, SAMSUNG,
LG, ETC.) SONT (ON DIRAIT EN ANGLAIS) DES ÔCONGLOMERATESĠ, GENERALEMENT
INTIMEMENT LIES AUX BANQUES, AU MOINS JUSQU'A LA CRISE DU FMI, CE DERNIER AYANT
ESSAYE DE BRISER CE ÔCLIENTELISMEĠ, AVEC UN CERTAIN SUCCES. JE NE PEUX DONNER
QUĠUNE DEFINITION ASSEZ GENERALE.
FKTU
La FKTU compte un million d'adhrents,
appartenant principalement aux secteurs de la mtallurgie (111 000 adhrents
fin 2001), de la chimie (116 000), de la banque et de la finance (114 000), des
chauffeurs de taxi (105 000) et de l'automobile (84 000).
KCTU
En 1999, la KCTU comptait 573 490 adhrents
dans 1 226 syndicats. Fin 2001, ses 600 000 membres appartenaient
principalement aux secteurs de la mtallurgie (166 000 adhrents), des services
publics (100 000), de l'enseignement (88 000). La KCTU revendique 800 000
adhrents fin 2006.
Hyundai
Chung Ju-yung (1915-2001) fonde en 1947 Hyundai
Engineering & Construction (Hyundai signifie "modernit" en
coren), qui restera le centre de son groupe. Aprs la guerre de Core, les
Amricains de Ford lui confieront la rparation de leurs vhicules militaires
et la construction des baraquements pour l'arme des tats-Unis.
Les annes 1960 seront propices Chung Ju-Yung qui
met son talent au service de la Core du gnral Park Chung-hee. Il sera le
constructeur de l'autoroute qui relie Soul Busan en 1968. Il se lance dans
la construction navale, o excellent les Corens. Ses chantiers navals
deviendront les plus grands du monde, notamment ceux de Ulsan. En 2006, Hyundai
est le premier constructeur naval mondial en valeur de production.
Hyundai Motors est cr en 1967. L'entreprise produira
la premire voiture 100% corenne ds 1973, la Pony. Chung Ju-yung comprend
immdiatement l'importance conomique des travaux publics et de la construction
au Moyen-Orient, d'o la Core importe du Sud l'essentiel de sa consommation
d'hydrocarbures. Hyundai sera alors choisi plusieurs fois pour raliser des
grands projets d'infrastructure au Moyen-Orient.
En 1983, Hyundai Electronics est cre dans une optique
de diversification. Son activit se dveloppe en priorit sur les marchs de la
mcanique de prcision, de la ptrochimie et de la robotique.
Le groupe a aussi cr une filiale, Hyundai Asan
spcialise dans les projets de coopration entre la Core du Sud et la Core
du Nord.
Aprs avoir rachet la marque Kia en 1998, Hyundai
Motor est aujourd'hui le 6e constructeur automobile, avec 3,7 millions de
vhicules vendus dans le monde. Premier constructeur coren de voitures,
Hyundai est devenu le premier employeur du pays avec 170 000 travailleurs, et
deuxime derrire Samsung pour le chiffre d'affaires.
Hyundai s'est galement illustr dans la production
d'crans cathodiques (avant l'apparition des LCD), rputs pour leur qualit et
leur prix relativement bas (comme par exemple la srie des ImageQuest F900,
F910 etc).
L'empire Hyundai, dtenu essentiellement par la
famille Chung, fait de ses dirigeants (Ju-yung jusqu'en 2000, puis Chai-kwan et
rcemment Mong-koo) les hommes parmi les plus riches du monde, et sans doute
les plus riches de la Core du Sud.
Hyundai est galement un sponsor politique
incontournable, Chung Ju-yung ayant toujours soutenu le pouvoir en place,
quelle que soit l'tiquette politique du gouvernement, en contribuant largement
aux diverses campagnes, contributions rcompenses par l'attribution de marchs
et d'adjudications.
Cela n'a pas empch Chung Ju-yung, dfenseur de la
libert entrepreneuriale face l'tat et au fisc, de se prsenter l'lection
prsidentielle de 1992 et d'obtenir 16 % des voix.
En 2006,
suite une enqute du gouvernement sud-coren, le PDG de Hyundai Chung
Mong-koo a t accus de dtournement de fonds et de corruption.
Chaebols:
jĠai
trouv cette rfrence (mission conomique de lĠambassade de France). Je peux
essayer de faire un bref rsum et te lĠenvoyer pour approbation sauf si tu as
prvu cela dans tes notesÉ.
http://assoc.pagespro-orange.fr/france-coree/economie/coree2001_chaebols.htm
Minjung
note
extraite dĠun livre Core du Sud conomie sociale et socit civile Eric Bidet
ÒMinjung signifie littralement les conditions dĠexistence du
peuple mais on pourrait le traduire aussi par les exclus ou les opprims. Le
courant Minjung
se dveloppera dĠavord dans le domaine littraire avant de toucher dans les
annes 70 lĠensemble des sciences sociales, dfinissant ainsi le cadre dĠune
remise en cause gnrale du modle sociopolitique europenÓ
Cela dit
on trouve plein dĠautres traductions sur Internet Òdes massesÓ, ÒdmocratiqueÓ,
etc.
Rsum dĠun article de Sung Park
A. dans lĠIndian Journal of Theology
Ç Analogue la thologie de
la libration sud-amricaine, la thologie " minjung " (mot qui signifie " opprims ") s'est dveloppe
dans les annes 1970. Mais cette thologie analogue est indpendante et
diffrente de la susdite thologie de la libration| elle concerne en effet non
seulement les pauvres mpriss par les riches, mais aussi les personnes dont
les rgimes successifs (le terme minjung
remonte la dynastie Yi, donc avant 1910) touffent la libert de pense,
d'expression, de contestation. Cette thologie est d'origine protestante| elle
s'intresse videmment aussi aux non-chrtiens. Deux notions de base : le
" han ", sentiment d'angoisse et de frustration| le " dan
", " suppression " la fois de l'injustice et de la
revanche. È